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#1 2009-01-20 16:34:56

lechanteur
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Messages: 2

Re: usufruit d'un immeuble acheté en société

Bonjour,

Mon mari et moi désirons acheter une villa. Nous sommes tous les deux indépendants professions libérales. Nous comptons acheter la nue-propriété et faire acheter par la société de mon mari une quote-part de l'usufruit. Cette société occupera le 1/3 en surface de l'habitation, aura deux garages plus deux emplacements de parking.

Comment déterminer le plus justement la valeur de l'usufruit ? Je donne un exemple, le bien vaut 900 000.00 euros hors frais. Il y a deux façons de calculer l'usufruit, la première de dire qu'il vaut à peu près 80% de la valeur vénale, soit 720 000.00 euros. Soit je calcule les flux financiers : pour la location d'environ 200 m2, une société à Bruxelles payerait environ 2000.00 euros de loyer, soit par an 24 000.00 euros et sur la durée de l'usufruit 20 ans, 480 000.00 euros. Est-il raisonable d'acheter dès lors 50% de la valeur du bien à titre d'usufruit par la société soit 450 000.00 euros ? Y-a-t-il un risque de requalification par l'ISOC ? J'ai prix plusieurs avis qui sont contradictoires, certains paraîssent frileux dans ce genre de construction les autres me disent que je peux prendre jusqu'à 80% de l'usufruit... Pouvez-vous m'éclairer avec des informations certaines et qui ont déjà fait l'objet de contrôles fiscaux ?

Nous ne désirons pas dans cette construction devoir payer un loyer à la société de mon mari mais nous ajouterons la close de remerciement dans l'acte en prévoyant un paiement de 1% en remerciement à la société après les 20 ans. De plus ma sociéte payera un loyer de 750.00 euros par mois.

Sincères salutations.

                                                LECHANTEUR MC

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#2 2009-01-20 17:32:08

Jojo
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Re: usufruit d'un immeuble acheté en société

Même si vous avez donné beaucoup d'informations, il en manque plus encore !

Etant posé les enjeux, pourquoi ne consultez-vous pas un ou des professionnels au lieu de venir sur un site ouvert à tout vent ?

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#3 2009-01-21 09:47:13

lechanteur
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Re: usufruit d'un immeuble acheté en société

Je m'attendais à une réponse puisqu'il y a énormément de professionnels sur ce site. De plus, parmi les professionnels,  beaucoup exagèrent sans peser vraiment les conséquences ... C'est pour cela qu'étant moi-même une professionnelle, je voulais avoir différents avis pour me faire une opinion définitive. L'avis d'un seul professionnel ne me suffit pas.


                                        MME LECHANTEUR MC

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#4 2009-01-24 16:46:30

Krull
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Messages: 116

Re: usufruit d'un immeuble acheté en société

Mais vous avez bien raison de vous attendre à une réponse. En voici même plusieurs toutes répertoriées par Monsieur Dewael, très grand spécialiste en Isoc :
----------:

Nue-propriété et usufruit
Depuis quelques années, les acquisitions de biens immeubles avec démembrement de la propriété fleurissent. Classiquement, la nue-propriété d’un immeuble est acquise par une personne physique et l’usufruit[1] est acquis par une société dont la personne physique est mandataire (dirigeant d’entreprise). Il s’agit essentiellement de « constructions fiscales » qui, par leur seul nombre, finissent par attirer l’attention de tous les acteurs : Administration, experts et Justice.

Cet article aborde quelques unes de ces réactions.

Détermination de la valeur de l’usufruit


Décision anticipée n° 300.081 du 30.09.2003
Objet de la demande

La demande vise à obtenir une décision anticipée quant aux conséquences fiscales de l’acquisition par :

M.X, gérant de la SPRL A, de :
·20 % de la pleine propriété d’un appartement;

·de la nue-propriété de la partie restante (80 %);

la SPRL A de l’usufruit d’une durée de 15 ans de ladite partie restante (80 %).
Pour financer son acquisition, la SPRL A contractera un crédit d’investissement. Cet appartement sera affecté à un usage privé par M. X.

Décision

Le SPF Finances marque son accord sur le fait que :

les frais de notaire, les droits d’enregistrement et les frais bancaires sur le crédit d’investissement sont déductibles à ce titre dans le chef de la SPRL A aux conditions fixées par l’article 49, CIR 92, et ce dans la mesure où ils se rapportent à l’acquisition du droit d’usufruit;
la valeur du droit d’usufruit est fixée compte tenu des dispositions prévues à l’article 47, § 2, du code des droits d’enregistrement et un amortissement sur une durée de 15 ans peut être admis;
en matière de disposition gratuite d’immeubles ou de parties d’immeubles visée à l’article 18, § 3, point 2, AR/CIR, le paiement par M. X d’un loyer annuel à la SPRL A équivalant au moins à 80 % du revenu cadastral indexé de l’appartement multiplié par 100/60 et par 2, n’engendrera pas dans son chef l’imposition d’un avantage de toute nature visé à l’article 32, alinéa 2, 2°, CIR 92. S’il s’agit d’une habitation meublée, ce loyer minimum doit être majoré de 2/3;
la non location de l’appartement par M. X pendant une certaine période, sans que celui-ci n’en dispose effectivement, n’engendrera pas dans son chef, à due concurrence, l’imposition d’un avantage de toute nature visé à l’article 32, alinéa 2, 2°, CIR 92.
L’attention est attirée sur le fait que la présente décision ne porte pas préjudice à l’imposition éventuelle, dans le chef de M. X, d’un avantage de toute nature visé à l’article 32, alinéa 2, 2°, CIR 92, au moment où ce dernier acquerra, après 15 ans, 80 % de l’usufruit de l’appartement.

Commentaires
Cette décision a été publiée en juin 2004 sur le site du SPF Finances. Elle semble permettre, sans inconvénient fiscal, l’utilisation de cette forme d’acquisition d’immeuble existant aux conditions suivantes :

ðune durée minimale du droit d’usufruit de 15 ans ;

ðune partie de la pleine propriété de l’immeuble étant acquise par la personne physique (gérant de la société), la valorisation de l’usufruit fixée par les règles du droit d’enregistrement est acceptée.

En fait le rapport (4/5) de 20 % à tire de nue-propriété et de 80 % à titre d’usufruit est un maximum repris à l’art. 47 du Code des droits d’enregistrement : « (…) Si l'usufruit est établi pour un temps limité, la valeur vénale est représentée par la somme obtenue en capitalisant au taux de 4 % le revenu annuel, compte tenu de la durée assignée à l'usufruit par la convention, mais sans pouvoir excéder soit la valeur déterminée selon l'alinéa précédent, s'il s'agit d'un usufruit constitué au profit d'une personne physique, soit le montant de vingt fois le revenu, si l'usufruit est établi au profit d'une personne morale.

En aucun cas, il ne peut être assigné à l'usufruit une valeur vénale supérieure aux quatre cinquièmes de la valeur vénale de la pleine propriété. »

Ce qui est remarquable, c’est que, ne sont pas considérés comme facteurs défavorables à la construction fiscale, le fait que la société recourt à un emprunt pour l’acquisition du droit d’usufruit et que l’immeuble en cause est loué pour une occupation à titre privé par le gérant.

Attention cependant, cette prise de position du SPF Finances semble devoir être nuancée par certaines décisions de justice et par des réponses du Ministre des Finances à des QP plus récentes (voyez ci-dessous).

Il est difficile de mesurer la réalité de la « menace voilée » d’une d’imposition dans le chef de la personne physique à l’extinction du droit d’usufruit ne sachant pas, notamment, quelles sont les clauses conventionnelles pour les dépenses d’amélioration ou d’entretien qui seraient apportées au bien. En principe si le calcul du prix de l’usufruit répond à une réalité économique, la personne aura acquis la nue-propriété pour sa valeur réelle et l’extinction du droit d’usufruit ne lui confère aucun avantage. Par ailleurs, la personne physique pourrait bien ne plus être gérant à l’extinction du droit d’usufruit.

Réactions provoquées par cette décision
Cette décision a fait l’objet de la question parlementaire suivante :

QP n° 654 du 23.02.2005, D. Van der Maelen (QRVA, 51 ° sess., 076, 2.05.2005, p. 12738)

Question : Ces dernières années, de nombreux contribuables ont recouru à des constructions fiscales mettant à profit un usufruit. Il ressort néanmoins que ces constructions sont de plus en plus souvent sujettes à de vives critiques. Récemment, le tribunal de première instance de Bruges a encore admis que l’administration pouvait détricoter un montage fiscal mettant un usufruit à profit en invoquant la disposition anti-abus de l’article 344, CIR 1992.

Toutefois, le fisc admet, sous certaines conditions, que les contribuables puissent réaliser des optimisations fiscales en mettant un usufruit à profit. Dans la décision anticipée no 300.081 du 30.09.2003, l’administration a accepté une construction fiscale mettant un usufruit à profit dans laquelle le gérant d’une SPRL a acheté la nue-propriété d’un appartement et sa société l’usufruit pour une période de 15 ans.

(…)

Pourriez-vous me fournir les précisions suivantes à propos du dernier paragraphe de la décision anticipée 300.081 :

1. L’imposition, dans le chef du nu-propriétaire, d’un avantage de toute nature à la fin de l’usufruit est-elle une mesure générale applicable à toute construction fiscale mettant un usufruit à profit ?

2. Dans l’affirmative, comment cet avantage de toute nature sera-t-il calculé ?

3. Dans la négative, pourquoi l’imposition d’un avantage de toute nature est-elle limitée à quelques cas et quels sont les critères prépondérants à cet égard?

Réponse : Les conséquences fiscales des mécanismes d’usufruit doivent être évaluées sur la base des données factuelles et juridiques propres à chaque cas. La valeur de l’usufruit doit également être déterminée de cette manière. Le produit actualisé des locations peut constituer, le cas échéant, une des ces données. En matière de contributions directes, il ne faut pas nécessairement se référer aux règles mentionnées dans le Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe ou dans le Code des droits de succession. Les conséquences fiscales des travaux d’amélioration effectués par l’usufruitier dépendent notamment de leur nature, de leur objectif et de leur importance.

L’honorable membre fait référence à la décision anticipée no 300.081 du 30.09.2003. Je souhaite tout d’abord faire remarquer d’une décision anticipée ne concerne qu’un seul cas concret. L’alinéa visé par l’honorable membre attire l’attention sur le fait qu’au moment où le gérant redevient plein propriétaire du bien immeuble, les données actuelles, concernant également, le cas échéant, les travaux d’amélioration effectués, peuvent indiquer l’existence d’un avantage de toute nature dans le chef du gérant. On notera à ce propos qu’au moment de la demande il n’y avait aucune certitude sur l’affectation du bien immeuble sur lequel portait l’usufruit. Enfin, je note également que la décision précitée ne permet pas de tirer des conclusions sur l’application éventuelle de l’article 344, § 1er, CIR 1992, en matière de mécanismes d’usufruit. Cet article ne faisait d’ailleurs pas partie des dispositions légales faisant l’objet de la demande de sécurité préalable du demandeur en ce qui concerne l’application de cet article dans le cas qu’il soumettait. Bien que les conclusions fiscales des mécanismes d’usufruit dépendent, comme je l’ai déjà indiqué, de données factuelles et juridiques concrètes, mon administration examinera l’opportunité d’édicter des directives générales en la matière.

Commentaires
Courbe rentrante par rapport à la décision : la « menace » de la requalification fiscale de telles opérations est brandie.

Deux autres questions ont été posées, par le même Représentant, sur ce sujet. Ces questions ont reçu la même réponse que celle reprise ci-dessus. ; voyez : QP n° 737 et 738 du 18.04.2005, D. Van der Maelen, QRVA, 51° sess., 077, p. 12904 et 12907.

Calcul économique de l’usufruit et avantage imposable
Trib. Mons, 28.02.2005 : les faits
Une société achète en 1998 l’usufruit, pour une durée de 8 ans, d’un immeuble industriel pour un montant de +/- 660.000 €. La nue-propriété est acquise par les deux administrateurs de la société pour 166.000 €. L’Administration, estimant la valeur de l’usufruit à 166.000 €, considère que la société a accordé un avantage imposable aux administrateurs. Considérant que la nue-propriété a dès lors une valeur de (826.000 – 166.000 smile 660.000, l’Administration taxe un ATN dans le chef des dirigeants pour un montant de (660.000 – 166.000 smile 494.000 € dans la mesure où, à l’expiration de l’usufruit et « en exemption de tout impôt », les dirigeants deviendront pleins propriétaires indivis de l’immeuble dont la valeur conventionnelle de la nue-propriété a été sous-estimée. Comme cet ATN n’a fait l’objet d’aucune fiche fiscale, le montant de l’ATN est soumis à la cotisation distincte de l’art. 219 CIR. En contentieux, le Directeur maintient la taxation mais accepte l’étalement de celle-ci sur la durée de l’usufruit.

Le jugement
Le Tribunal décide de vérifier si le prix que la société a payé pour l’usufruit est ou non normal. Il juge que la détermination de la valeur de l’usufruit doit correspondre à la valeur économique de ce droit réel qui doit être calculée sur base de al valeur locative ou sur base des revenus locatifs réels. Pour la détermination de cette valeur, il ne peut être fait application des formules qui ont trait au droit d’enregistrement ou au droit de succession ; celles-ci sont seulement valables en matière de contributions indirectes. Le Tribunal se réfère ensuite à un article de J. Verhoeye paru en 2000 expliquant comment doit être calculée la valeur économique d’un usufruit sur un bien immobilier.

En résumé, pour calculer la valeur économique de l’usufruit, il doit être tenu compte des revenus attendus, c.-à-d. les loyers bruts qui seront engendrés par le bien. De ce montant, il faut déduire les frais estimés que l’usufruitier devra payer. L’usufruitier est par exemple tenu au PrI et, à moins qu’il n’y soit dérogé conventionnellement, aux réparations d’entretien du bien (art. 605, al. 1 C.C.). Ces revenus nets doivent être actualisés à un taux d’intérêt raisonnable. La valeur de la nue-propriété peut dès lors être fixée comme le prix global diminué de la valeur actuelle des revenus locatifs nets de l’usufruitier. Le loyer mensuel de l’immeuble étant de 5.000 €, le Tribunal détermine sur base de ces principes et, après réouverture des débats, la valeur de l’usufruit à 480.000 €. Il en déduit la valeur de la nue-propriété à (826.000 – 480.000 smile 346.000 €. Le Tribunal décide que les administrateurs ont bénéficié d’un ATN : dans une relation avec des tiers, la société n’aurait jamais, dans des circonstances normales, conclu une telle transaction. Il doit également être considéré que la société a eu l’intention, au moyen d’une transaction immobilière, d’attribuer un avantage complémentaire à ses administrateurs qui doit être imposé comme une rémunération. Le Tribunal avalise la taxation à la cotisation distincte. (Trib. Mons, 28.02.2005) (De Fiscale Koerier, 2005/386) (Le Fiscologue, 952, 8.10.2004, p. 9)

Commentaires
En fait le prix d’acquisition de l’immeuble avait été réparti en une quotité de 20 % à tire de nue-propriété et de 80 % à titre d’usufruit. Ce rapport (4/5) correspond au maximum repris à l’art. 47 du Code des droits d’enregistrement.

Un sage principe voudrait que les opérations respectent un minimum de réalité économique si l’on veut qu’elles n’apparaissent pas comme de pures constructions fiscales. A cet égard, un usufruit de 8 ans semble anormal.

Les constructions fiscales en matière d’usufruit et de nue-propriété peuvent être combattues par l’Administration fiscale de plusieurs manières. On peut penser à l’utilisation de l’art. 344, § 1 CIR qui permettrait de requalifier l’acquisition séparée de la nue-propriété et de l’usufruit en une acquisition de la pleine propriété par la personne physique (essentiellement le dirigeant d’entreprise) suivie par la conclusion d’un contrat de location avec la (sa) société ; voyez le jugement du Tribunal de Bruges du 22.06.2004 repris ci-dessous.

Quid des frais à charge de l’usufruitier ?
Les frais à charge de l’usufruitier sont définis par le code civil :

Article 605 C.C.

L'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien.

Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit; auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu.

Article 606 C.C.

Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières;

Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.

Toutes les autres réparations sont d'entretien.

Si des dispositions légales existent, elles ne sont pas d’ordre public et elles n’empêchent donc pas les parties d’y déroger, sans risque fiscal si elles respectent la réalité économique.

Ces principes ont fait l’objet des décisions judiciaires suivantes.

Anvers, 9.10.1995
Une société commerciale est exclusivement constituée pour l'exercice d'une activité lucrative, de telle sorte qu'elle ne peut rien posséder qui n'y soit pas affecté et que tous ses actifs ont nécessairement un caractère professionnel. Dès lors, les frais relatifs à des biens immobiliers dont la société était contractuellement nue-propriétaire doivent être considérés comme des dépenses professionnelles déductibles lorsqu'il apparaît que ces dépenses, même si elles profitent également à l'usufruitier, ont été engagées en vue d'embellir les locaux qui, d'une part, servent aux membres du personnel chargés de réaliser le but commercial de la société, et qui, d'autre part, doivent être tenus en état et convenablement entretenus pour attirer la clientèle. Ces dépenses sont des dépenses professionnelles au sens d l'art. 44 CIR/1964 (art. 49 CIR/1992) c.-à-d. des dépenses qui ont un lien nécessaire avec l’activité professionnelle. (Anvers, 9.10.1995) (F.J.F., n° 96/10) (Fisconet, A 95/17)

Commentaire :
La Cour avait remarqué que les dépenses en cause étaient bien des dépenses d’entretien auxquelles, en principe, l’usufruitier est tenu mais qu’il était cependant incontestable, dans le cas d’espèce, que le siège social et toute l’administration de la société était établie dans l’immeuble en cause.

Liège, 11.09.1998
Une société immobilière et son administratrice achètent un immeuble en indivision. La société acquiert la nue-propriété pour 98 % et l'usufruit pour 2 %, tandis que l'administratrice obtient 2 % en nue-propriété et 98 % en usufruit. La prix d’achat est supporté, selon les règles du Code des droits de succession à concurrence de 44,21 % par la société et de 55,76 % par l’administratrice (soit pour la part en usufruit : 4 % * 14 * 98 % = 54,88 % + part en nue-propriété : 44 % de la pleine propriété * 2 % = 0,88% ; total : 55,76 %).

D'importants travaux de remise en état et de transformation, représentant plus de trois fois le prix d'achat du bien, ont été effectués et les acquéreurs ont prévu la clé de répartition suivante : 85 % pour la société et 15 % seulement pour l'administratrice. En réalité, la société supportera même, sans explication valable, 100 % de certains travaux. En raison de la prise en charge des frais de transformation, la société subit une importante moins-value lors de la revente.

La Cour d’appel refuse de tenir compte de la déduction de la moins-value car elle estime qu’il y a simulation. Pour elle, il n’y a aucune raison d’adopter pour le partage des frais de transformation une clé de répartition différente de celle qui a été utilisée pour le partage des frais d’acquisition. Les explications fournies par la société pour justifier une prise en charge des travaux de transformation non proportionnelle à la valeur des droits acquis par elle lors de l'achat, sont, pour la Cour, dépourvues de toute justification raisonnable, de sorte qu'il faut constater que les parties n'ont pas admis toutes les conséquences civiles de leurs actes et que l'administration a pu valablement rejeter la moins-value et imposer au contraire la société sur une plus-value. (Liège, 11.09.1998) (F.J.F., n° 2000/124) (Le Courrier Fiscal, 1998/511) (Fisconet L 98/32)

Commentaire :
La répartition « non équitable » des frais de transformation avait été relevée par le commissaire - réviseur pour lequel cette « clef désavantageait manifestement sans aucun motif admissible la société immobilière, dont le patrimoine s’appauvrissait au seul profit de son administrateur ».

Trib. Louvain, 14.02.2003
L’Administration avait repris un montant de +/- 4.900 € en DNA au titre d’avantage anormal ou bénévole représentant le coût de la fourniture et du placement d’une chaudière, des travaux de réparation, d’entretien et de peinture. Le Tribunal rappelle que les grosses réparations demeurent à la charge du nu-propriétaire. Les coûts des travaux de peinture des murs, plafonds, portes et fenêtres, la pose d’un tapis, l’entretien ne peuvent être considérés comme des grosses réparations demeurant à charge du nu-propriétaire. Ces coûts ont été à bon droit rejetés par l’Administration. La pose d’un chauffage central peut être considérée comme un travail qui concerne la solidité et la conservation de tout le bâtiment et constitue effectivement une préservation même de la propriété. Les travaux au toit plat (roofing) et la pose de 15 tuiles ne peuvent par contre être considérés comme des grosses réparations à charge du nu-propriétaire. (Trib. Louvain, 14.02.2003) (F.J.F., n° 2003/251) (Fisconet, LE1 03/3)

Requalification d’un usufruit en location
Trib. Bruges 22.06.2004 : jugement réformé !
Deux conjoints, tous deux administrateur et actionnaire d’une SA, acquièrent la nue-propriété d’un appartement. Elle est estimée à 20 % de la valeur vénale de l’ensemble. Leur société en acquiert l’usufruit pour une période de 10 ans. L’usufruit est estimé à 80 % de la valeur vénale de l’ensemble. Il est convenu que l’usufruitier peut apporter des améliorations à l’immeuble qui, à la fin du contrat d’usufruit, reviendra aux nus-propriétaires sans qu’ils doivent payer l’indemnité à l’usufruitier. L’usufruitier supportera notamment les réparations, petites et grosses. L’Administration fit valoir que la vente de la nue-propriété aux administrateurs et celle de l’usufruit à la société pouvaient être requalifiée en vente de la pleine propriété aux administrateurs, suivie d’une location pour 10 ans à la société. Selon elle, le montant payé par la société peut être considéré comme un loyer payé anticipativement aux administrateurs. Ce loyer est dès lors imposable en partie au titre de revenu immobilier et en partie au titre de revenu professionnel (dans la mesure où le loyer excède 5/3 du revenu cadastral revalorisé ; art. 32 al. 2, 3° CIR). Selon l’Administration, la motivation de l’opération est purement fiscale, en l’occurrence 1’acquisition, par les administrateurs, de la pleine propriété du bien après 10 ans, sans avoir payé le prix d’achat entier.

Dans sa décision, le directeur régional confirma la taxation, mais il admit que l’impôt afférent au loyer payé anticipativement devait être étalé sur dix ans.

Le Tribunal refuse de poser deux questions préjudicielles à la Cour d’arbitrage quant à la constitutionnalité de l’article 344, § 1er CIR. Il est évident, selon lui, que la disposition générale anti-abus ne viole pas les principes d’égalité et de légalité. Le Tribunal réfute ensuite un par un les arguments des contribuables. Ceux-ci avaient plaidé que l’article 344, § 1er CIR ne peut pas s’appliquer dans la mesure où l’opération concerne la gestion d’un patrimoine privé. Si la disposition anti-abus de droit ne s’applique effectivement pas aux situations qui relève de la gestion du patrimoine privé, le Tribunal estime que la façon dont les contribuables ont mis leurs biens immeubles à la disposition de la société n’est pas neutre pour la détermination de leur revenu professionnel, en raison de l’art. 32, al. 2, 3° CIR.

Les contribuables avaient allégué que les actes juridiques posés ne sont pas susceptibles de requalification. L’usufruit est, en effet, un droit réel, alors que le bail est un droit personnel.

Le Tribunal répond que la détermination d’une qualification juridique est le résultat d’un raisonnement logique qui associe les faits objectifs à un cadre juridique connu. Sur base des faits, le Tribunal estime que le couple a acquis le droit de disposer (de la pleine propriété) et que la société a acquis le droit de jouissance. Bien qu’il existe des différences notables entre les formes juridiques de l’usufruit et du bail, elles peuvent être négligées en l’occurrence, vu la courte durée de l’usufruit et « l’élasticité » du droit de propriété. Les autres différences peuvent aussi être négligées puisqu’elles sont soumises à la liberté des conventions. La disposition anti-abus visant précisément à modifier la qualification donnée par les parties, ce serait une erreur de retenir des différences que les parties peuvent régler librement.

Enfin, les contribuables firent valoir, en vain, que la qualification choisie répondait à des besoins légitimes de caractère financier ou économique, à savoir, notamment, la possibilité pour les administrateurs de minimiser leur risque économique personnel et de devenir pleins propriétaires après 10 ans, tout en limitant le montant investi, de même que leur part dans les frais d’entretien. (Trib. Bruges, 22.06.2004) (Le Fiscologue, 948, 10.09.2004, p. 4)

Commentaires :
Voyez ci-dessous, la décision d’appel réformant le jugement.

Si le juge a reconnu les différences juridiques existant entre une convention de location et une convention d’usufruit, il a cependant estimé, essentiellement en raison de la brève période du droit d’usufruit, que les contribuables avaient choisi cette qualification (de l’usufruit) pour de seuls motifs fiscaux : éviter la requalification en revenus professionnels d’une partie des loyers (exagérés).

Gand, 13.09.2005
La Cour d’appel de Gand suit la doctrine et réforme le jugement.

Sur le principe, la Cour d’appel reconnaît que le mécanisme mis en place est bien visé par l’art. 344, § 1er CIR. Les trois conditions d’application sont réunies : le mécanisme mis en place vise à éviter l’impôt, l’opération va au-delà de gestion simple de patrimoine privé (l’opération s’inscrit dans un contexte économique, ce qui permet, l’application de la disposition anti-abus) et enfin, la Cour ne voit pas de besoins légitimes de caractère économique ou financier qui pourraient justifier la qualification donnée.

La Cour estime néanmoins qu’une condition de base n’est pas remplie : l’acte (d’usufruit) ne peut être requalifié en location de sorte que la disposition anti-abus ne peut pas trouver à s’appliquer.

5elon la Cour, une requalification suppose que l’acte accompli par les parties puisse avoir des qualifications différentes. En cas de requalification, il ya lieu de respecter la réalité juridique que le contribuable a établie. Seule la qualification juridique de l’acre peut être modifiée et non le contenu et les conséquences de l’acte réalisé par le contribuable. Toutes les conséquences de fait et juridiques de l’opération réalisée doivent être respectées. En l’occurrence, une location, qualification donnée par l’Administration, n’a pas le même contenu qu’un usufruit, qualification choisie par les parties. Le remplacement de l’une par l’autre ne peut se faire sans que l’on touche aux conséquences juridiques. Le rapport de propriété a été sensiblement modifié. La relation juridique entre le tiers vendeur et la société est également méconnue. En outre, l’usufruit et la location sont deux figures juridiques distinctes qui connaissent des droits et obligations différents.

La Cour ajoute que l’art. 344 § 1er CIR laisse intacts le principe du choix de la voie la moins imposée, le principe civil de la liberté contractuelle et le principe que l’impôt frappe la réalité juridique (et non pas la réalité économique). (Gand, 13.09.2005) (Le Fiscologue, 996, 30.09.2005, p. 1)

Commentaires :
Antérieurement, le Tribunal d’Anvers était déjà intervenu dans ce type d’opération.

Premier jugement :

Dans ce litige, le Tribunal n’a pas expressément pris position sur la possibilité de requalification de la cession d’un droit d’usufruit en une location de longue durée mais a décidé qu’aucune requalification n’était possible car l’opération répondait dans le chef des parties à des besoins légitimes de caractère financier ou économique. La justification admise (trop facilement ?) était qu’en cédant l’usufruit à sa société, le dirigeant d’entreprise a pu immédiatement disposer du produit de l’opération, tandis qu’une location ne lui aurait procuré que des revenus périodiques sur une longue période. (Trib. Anvers, 19.06.2002) (Le Courrier Fiscal, 2002/455) (F.J.F., n° 2002/260) (Fisconet, A1 02/14)

Deuxième jugement :

Dans ce deuxième jugement, critiqué par une partie de la doctrine, le Tribunal accepte la requalification, voyez : (Trib. Anvers, 6.01.2003) (F.J.F., n° 2003/255) (Fisconet, n° A1 03/1) : acquisition d’un usufruit temporaire de 27 ans par une société, acquisition de la nue-propriété par l’épouse et les enfants de l’administrateur de la société et location par la société d’une partie de l’immeuble à l’administrateur et son épouse. Le Tribunal a décide que la requalification fiscale (en location) ne néglige pas et ne méconnaît pas le contenu de la figure juridique de l’usufruit, puisqu’il n’est aucunement porté atteinte à l’existence et aux effets de l’usufruit par sa seule requalification fiscale.

Troisième prise de position du Tribunal d’Anvers :

Un contribuable est dirigeant d’entreprise d’une SPRL à laquelle il donne un bâtiment en location. Les parties conviennent de résilier anticipativement le bail au 1.07.1993. Le même acte dispose qu’à partir de cette date, l’usufruit sur le bâtiment est « vendu » pour trois ans à la SPRL contre le paiement d’un canon qui sera versé en une seule fois. En 1996, l’usufruit est prolongé, de nouveau contre le paiement d’un canon à verser en une seule fois. Selon le Tribunal, l’Administration a pu en conclure à bon droit que ce mécanisme a été imaginé par le dirigeant d’entreprise dans le but de contourner la règle de requalification des loyers. C’est également à juste titre que, se fondant sur la disposition générale anti-abus (article 344 § 1 CIR), l’Administration « a continué à considérer l’usufruit comme étant une location sur le plan fiscal » et a, de cette manière, « maintenu la requalification des loyers en rémunérations de dirigeant d’entreprise ».

Il ne saurait être question, selon le Tribunal, de besoins légitimes de caractère financier ou économique susceptibles de justifier le recours au mécanisme de l’usufruit. Certes, le contribuable invoque « l’obtention immédiate de la totalité du canon de l’usufruit », Toutefois, selon le Tribunal, cette simple affirmation ne aurait apporté la preuve « du prétendu besoin ».

Le contribuable avait également fait valoir que la SPRL avait « besoin de donner l’immeuble en location » à une autre société. Mais selon le Tribunal, ce « besoin » n’existe pas, « de par sa nature, dans le chef » du contribuable, de sorte que cet argument ne saurait lui être utile au sens le l’article 344 § 1 CIR. (Trib. Anvers, 15.06.2005) (Le Fiscologue, 997, 7.10.2005, p. 9)

Si ces affaires ont fait l’objet d’un recours en appel, les décisions des Cours d’appel seront de première importance.

Conclusion
Même si cette première décision en degré d’appel confirme que l’application, avec succès, de la disposition anti-abus relève de la gageure dans une conception du droit fiscal uniquement assise sur des réalités juridiques, les praticiens doivent se montrer prudents dans l’utilisation des acquisitions avec démembrement de la propriété. Si le contribuable a le choix de la voie la moins imposée, il faut prendre en compte, outre la possible utilisation de la requalification par l’Administration, une possible future intervention législative (« A trop tirer sur la corde, elle finit par se casser »).

Il est donc prudent que les opérations soient faites parce qu’elles ont un intérêt économique ou financier réel pour les parties et non pas parce qu’elles auraient pour seule justification un intérêt fiscal. Il faut ensuite que les obligations et droits des parties soient équilibrés et que la fixation conventionnelle de la valeur des droits corresponde à des valeurs de marché entre parties non liées.

, 30.06.2005, révision 10/11/2005

http://users.skynet.be/yves.dewael/isoc/nue_prop.htm


:bj: Indépendant since 1987. Toujours pas achevé par les Taxes. Créatif mais pas infaillible.

Hors ligne

#5 2009-01-24 16:46:33

Krull
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Re: usufruit d'un immeuble acheté en société

Mais vous avez bien raison de vous attendre à une réponse. En voici même plusieurs toutes répertoriées par Monsieur Dewael, très grand spécialiste en Isoc :
----------:

Nue-propriété et usufruit
Depuis quelques années, les acquisitions de biens immeubles avec démembrement de la propriété fleurissent. Classiquement, la nue-propriété d’un immeuble est acquise par une personne physique et l’usufruit[1] est acquis par une société dont la personne physique est mandataire (dirigeant d’entreprise). Il s’agit essentiellement de « constructions fiscales » qui, par leur seul nombre, finissent par attirer l’attention de tous les acteurs : Administration, experts et Justice.

Cet article aborde quelques unes de ces réactions.

Détermination de la valeur de l’usufruit


Décision anticipée n° 300.081 du 30.09.2003
Objet de la demande

La demande vise à obtenir une décision anticipée quant aux conséquences fiscales de l’acquisition par :

M.X, gérant de la SPRL A, de :
·20 % de la pleine propriété d’un appartement;

·de la nue-propriété de la partie restante (80 %);

la SPRL A de l’usufruit d’une durée de 15 ans de ladite partie restante (80 %).
Pour financer son acquisition, la SPRL A contractera un crédit d’investissement. Cet appartement sera affecté à un usage privé par M. X.

Décision

Le SPF Finances marque son accord sur le fait que :

les frais de notaire, les droits d’enregistrement et les frais bancaires sur le crédit d’investissement sont déductibles à ce titre dans le chef de la SPRL A aux conditions fixées par l’article 49, CIR 92, et ce dans la mesure où ils se rapportent à l’acquisition du droit d’usufruit;
la valeur du droit d’usufruit est fixée compte tenu des dispositions prévues à l’article 47, § 2, du code des droits d’enregistrement et un amortissement sur une durée de 15 ans peut être admis;
en matière de disposition gratuite d’immeubles ou de parties d’immeubles visée à l’article 18, § 3, point 2, AR/CIR, le paiement par M. X d’un loyer annuel à la SPRL A équivalant au moins à 80 % du revenu cadastral indexé de l’appartement multiplié par 100/60 et par 2, n’engendrera pas dans son chef l’imposition d’un avantage de toute nature visé à l’article 32, alinéa 2, 2°, CIR 92. S’il s’agit d’une habitation meublée, ce loyer minimum doit être majoré de 2/3;
la non location de l’appartement par M. X pendant une certaine période, sans que celui-ci n’en dispose effectivement, n’engendrera pas dans son chef, à due concurrence, l’imposition d’un avantage de toute nature visé à l’article 32, alinéa 2, 2°, CIR 92.
L’attention est attirée sur le fait que la présente décision ne porte pas préjudice à l’imposition éventuelle, dans le chef de M. X, d’un avantage de toute nature visé à l’article 32, alinéa 2, 2°, CIR 92, au moment où ce dernier acquerra, après 15 ans, 80 % de l’usufruit de l’appartement.

Commentaires
Cette décision a été publiée en juin 2004 sur le site du SPF Finances. Elle semble permettre, sans inconvénient fiscal, l’utilisation de cette forme d’acquisition d’immeuble existant aux conditions suivantes :

ðune durée minimale du droit d’usufruit de 15 ans ;

ðune partie de la pleine propriété de l’immeuble étant acquise par la personne physique (gérant de la société), la valorisation de l’usufruit fixée par les règles du droit d’enregistrement est acceptée.

En fait le rapport (4/5) de 20 % à tire de nue-propriété et de 80 % à titre d’usufruit est un maximum repris à l’art. 47 du Code des droits d’enregistrement : « (…) Si l'usufruit est établi pour un temps limité, la valeur vénale est représentée par la somme obtenue en capitalisant au taux de 4 % le revenu annuel, compte tenu de la durée assignée à l'usufruit par la convention, mais sans pouvoir excéder soit la valeur déterminée selon l'alinéa précédent, s'il s'agit d'un usufruit constitué au profit d'une personne physique, soit le montant de vingt fois le revenu, si l'usufruit est établi au profit d'une personne morale.

En aucun cas, il ne peut être assigné à l'usufruit une valeur vénale supérieure aux quatre cinquièmes de la valeur vénale de la pleine propriété. »

Ce qui est remarquable, c’est que, ne sont pas considérés comme facteurs défavorables à la construction fiscale, le fait que la société recourt à un emprunt pour l’acquisition du droit d’usufruit et que l’immeuble en cause est loué pour une occupation à titre privé par le gérant.

Attention cependant, cette prise de position du SPF Finances semble devoir être nuancée par certaines décisions de justice et par des réponses du Ministre des Finances à des QP plus récentes (voyez ci-dessous).

Il est difficile de mesurer la réalité de la « menace voilée » d’une d’imposition dans le chef de la personne physique à l’extinction du droit d’usufruit ne sachant pas, notamment, quelles sont les clauses conventionnelles pour les dépenses d’amélioration ou d’entretien qui seraient apportées au bien. En principe si le calcul du prix de l’usufruit répond à une réalité économique, la personne aura acquis la nue-propriété pour sa valeur réelle et l’extinction du droit d’usufruit ne lui confère aucun avantage. Par ailleurs, la personne physique pourrait bien ne plus être gérant à l’extinction du droit d’usufruit.

Réactions provoquées par cette décision
Cette décision a fait l’objet de la question parlementaire suivante :

QP n° 654 du 23.02.2005, D. Van der Maelen (QRVA, 51 ° sess., 076, 2.05.2005, p. 12738)

Question : Ces dernières années, de nombreux contribuables ont recouru à des constructions fiscales mettant à profit un usufruit. Il ressort néanmoins que ces constructions sont de plus en plus souvent sujettes à de vives critiques. Récemment, le tribunal de première instance de Bruges a encore admis que l’administration pouvait détricoter un montage fiscal mettant un usufruit à profit en invoquant la disposition anti-abus de l’article 344, CIR 1992.

Toutefois, le fisc admet, sous certaines conditions, que les contribuables puissent réaliser des optimisations fiscales en mettant un usufruit à profit. Dans la décision anticipée no 300.081 du 30.09.2003, l’administration a accepté une construction fiscale mettant un usufruit à profit dans laquelle le gérant d’une SPRL a acheté la nue-propriété d’un appartement et sa société l’usufruit pour une période de 15 ans.

(…)

Pourriez-vous me fournir les précisions suivantes à propos du dernier paragraphe de la décision anticipée 300.081 :

1. L’imposition, dans le chef du nu-propriétaire, d’un avantage de toute nature à la fin de l’usufruit est-elle une mesure générale applicable à toute construction fiscale mettant un usufruit à profit ?

2. Dans l’affirmative, comment cet avantage de toute nature sera-t-il calculé ?

3. Dans la négative, pourquoi l’imposition d’un avantage de toute nature est-elle limitée à quelques cas et quels sont les critères prépondérants à cet égard?

Réponse : Les conséquences fiscales des mécanismes d’usufruit doivent être évaluées sur la base des données factuelles et juridiques propres à chaque cas. La valeur de l’usufruit doit également être déterminée de cette manière. Le produit actualisé des locations peut constituer, le cas échéant, une des ces données. En matière de contributions directes, il ne faut pas nécessairement se référer aux règles mentionnées dans le Code des droits d’enregistrement, d’hypothèque et de greffe ou dans le Code des droits de succession. Les conséquences fiscales des travaux d’amélioration effectués par l’usufruitier dépendent notamment de leur nature, de leur objectif et de leur importance.

L’honorable membre fait référence à la décision anticipée no 300.081 du 30.09.2003. Je souhaite tout d’abord faire remarquer d’une décision anticipée ne concerne qu’un seul cas concret. L’alinéa visé par l’honorable membre attire l’attention sur le fait qu’au moment où le gérant redevient plein propriétaire du bien immeuble, les données actuelles, concernant également, le cas échéant, les travaux d’amélioration effectués, peuvent indiquer l’existence d’un avantage de toute nature dans le chef du gérant. On notera à ce propos qu’au moment de la demande il n’y avait aucune certitude sur l’affectation du bien immeuble sur lequel portait l’usufruit. Enfin, je note également que la décision précitée ne permet pas de tirer des conclusions sur l’application éventuelle de l’article 344, § 1er, CIR 1992, en matière de mécanismes d’usufruit. Cet article ne faisait d’ailleurs pas partie des dispositions légales faisant l’objet de la demande de sécurité préalable du demandeur en ce qui concerne l’application de cet article dans le cas qu’il soumettait. Bien que les conclusions fiscales des mécanismes d’usufruit dépendent, comme je l’ai déjà indiqué, de données factuelles et juridiques concrètes, mon administration examinera l’opportunité d’édicter des directives générales en la matière.

Commentaires
Courbe rentrante par rapport à la décision : la « menace » de la requalification fiscale de telles opérations est brandie.

Deux autres questions ont été posées, par le même Représentant, sur ce sujet. Ces questions ont reçu la même réponse que celle reprise ci-dessus. ; voyez : QP n° 737 et 738 du 18.04.2005, D. Van der Maelen, QRVA, 51° sess., 077, p. 12904 et 12907.

Calcul économique de l’usufruit et avantage imposable
Trib. Mons, 28.02.2005 : les faits
Une société achète en 1998 l’usufruit, pour une durée de 8 ans, d’un immeuble industriel pour un montant de +/- 660.000 €. La nue-propriété est acquise par les deux administrateurs de la société pour 166.000 €. L’Administration, estimant la valeur de l’usufruit à 166.000 €, considère que la société a accordé un avantage imposable aux administrateurs. Considérant que la nue-propriété a dès lors une valeur de (826.000 – 166.000 smile 660.000, l’Administration taxe un ATN dans le chef des dirigeants pour un montant de (660.000 – 166.000 smile 494.000 € dans la mesure où, à l’expiration de l’usufruit et « en exemption de tout impôt », les dirigeants deviendront pleins propriétaires indivis de l’immeuble dont la valeur conventionnelle de la nue-propriété a été sous-estimée. Comme cet ATN n’a fait l’objet d’aucune fiche fiscale, le montant de l’ATN est soumis à la cotisation distincte de l’art. 219 CIR. En contentieux, le Directeur maintient la taxation mais accepte l’étalement de celle-ci sur la durée de l’usufruit.

Le jugement
Le Tribunal décide de vérifier si le prix que la société a payé pour l’usufruit est ou non normal. Il juge que la détermination de la valeur de l’usufruit doit correspondre à la valeur économique de ce droit réel qui doit être calculée sur base de al valeur locative ou sur base des revenus locatifs réels. Pour la détermination de cette valeur, il ne peut être fait application des formules qui ont trait au droit d’enregistrement ou au droit de succession ; celles-ci sont seulement valables en matière de contributions indirectes. Le Tribunal se réfère ensuite à un article de J. Verhoeye paru en 2000 expliquant comment doit être calculée la valeur économique d’un usufruit sur un bien immobilier.

En résumé, pour calculer la valeur économique de l’usufruit, il doit être tenu compte des revenus attendus, c.-à-d. les loyers bruts qui seront engendrés par le bien. De ce montant, il faut déduire les frais estimés que l’usufruitier devra payer. L’usufruitier est par exemple tenu au PrI et, à moins qu’il n’y soit dérogé conventionnellement, aux réparations d’entretien du bien (art. 605, al. 1 C.C.). Ces revenus nets doivent être actualisés à un taux d’intérêt raisonnable. La valeur de la nue-propriété peut dès lors être fixée comme le prix global diminué de la valeur actuelle des revenus locatifs nets de l’usufruitier. Le loyer mensuel de l’immeuble étant de 5.000 €, le Tribunal détermine sur base de ces principes et, après réouverture des débats, la valeur de l’usufruit à 480.000 €. Il en déduit la valeur de la nue-propriété à (826.000 – 480.000 smile 346.000 €. Le Tribunal décide que les administrateurs ont bénéficié d’un ATN : dans une relation avec des tiers, la société n’aurait jamais, dans des circonstances normales, conclu une telle transaction. Il doit également être considéré que la société a eu l’intention, au moyen d’une transaction immobilière, d’attribuer un avantage complémentaire à ses administrateurs qui doit être imposé comme une rémunération. Le Tribunal avalise la taxation à la cotisation distincte. (Trib. Mons, 28.02.2005) (De Fiscale Koerier, 2005/386) (Le Fiscologue, 952, 8.10.2004, p. 9)

Commentaires
En fait le prix d’acquisition de l’immeuble avait été réparti en une quotité de 20 % à tire de nue-propriété et de 80 % à titre d’usufruit. Ce rapport (4/5) correspond au maximum repris à l’art. 47 du Code des droits d’enregistrement.

Un sage principe voudrait que les opérations respectent un minimum de réalité économique si l’on veut qu’elles n’apparaissent pas comme de pures constructions fiscales. A cet égard, un usufruit de 8 ans semble anormal.

Les constructions fiscales en matière d’usufruit et de nue-propriété peuvent être combattues par l’Administration fiscale de plusieurs manières. On peut penser à l’utilisation de l’art. 344, § 1 CIR qui permettrait de requalifier l’acquisition séparée de la nue-propriété et de l’usufruit en une acquisition de la pleine propriété par la personne physique (essentiellement le dirigeant d’entreprise) suivie par la conclusion d’un contrat de location avec la (sa) société ; voyez le jugement du Tribunal de Bruges du 22.06.2004 repris ci-dessous.

Quid des frais à charge de l’usufruitier ?
Les frais à charge de l’usufruitier sont définis par le code civil :

Article 605 C.C.

L'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien.

Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit; auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu.

Article 606 C.C.

Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières;

Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.

Toutes les autres réparations sont d'entretien.

Si des dispositions légales existent, elles ne sont pas d’ordre public et elles n’empêchent donc pas les parties d’y déroger, sans risque fiscal si elles respectent la réalité économique.

Ces principes ont fait l’objet des décisions judiciaires suivantes.

Anvers, 9.10.1995
Une société commerciale est exclusivement constituée pour l'exercice d'une activité lucrative, de telle sorte qu'elle ne peut rien posséder qui n'y soit pas affecté et que tous ses actifs ont nécessairement un caractère professionnel. Dès lors, les frais relatifs à des biens immobiliers dont la société était contractuellement nue-propriétaire doivent être considérés comme des dépenses professionnelles déductibles lorsqu'il apparaît que ces dépenses, même si elles profitent également à l'usufruitier, ont été engagées en vue d'embellir les locaux qui, d'une part, servent aux membres du personnel chargés de réaliser le but commercial de la société, et qui, d'autre part, doivent être tenus en état et convenablement entretenus pour attirer la clientèle. Ces dépenses sont des dépenses professionnelles au sens d l'art. 44 CIR/1964 (art. 49 CIR/1992) c.-à-d. des dépenses qui ont un lien nécessaire avec l’activité professionnelle. (Anvers, 9.10.1995) (F.J.F., n° 96/10) (Fisconet, A 95/17)

Commentaire :
La Cour avait remarqué que les dépenses en cause étaient bien des dépenses d’entretien auxquelles, en principe, l’usufruitier est tenu mais qu’il était cependant incontestable, dans le cas d’espèce, que le siège social et toute l’administration de la société était établie dans l’immeuble en cause.

Liège, 11.09.1998
Une société immobilière et son administratrice achètent un immeuble en indivision. La société acquiert la nue-propriété pour 98 % et l'usufruit pour 2 %, tandis que l'administratrice obtient 2 % en nue-propriété et 98 % en usufruit. La prix d’achat est supporté, selon les règles du Code des droits de succession à concurrence de 44,21 % par la société et de 55,76 % par l’administratrice (soit pour la part en usufruit : 4 % * 14 * 98 % = 54,88 % + part en nue-propriété : 44 % de la pleine propriété * 2 % = 0,88% ; total : 55,76 %).

D'importants travaux de remise en état et de transformation, représentant plus de trois fois le prix d'achat du bien, ont été effectués et les acquéreurs ont prévu la clé de répartition suivante : 85 % pour la société et 15 % seulement pour l'administratrice. En réalité, la société supportera même, sans explication valable, 100 % de certains travaux. En raison de la prise en charge des frais de transformation, la société subit une importante moins-value lors de la revente.

La Cour d’appel refuse de tenir compte de la déduction de la moins-value car elle estime qu’il y a simulation. Pour elle, il n’y a aucune raison d’adopter pour le partage des frais de transformation une clé de répartition différente de celle qui a été utilisée pour le partage des frais d’acquisition. Les explications fournies par la société pour justifier une prise en charge des travaux de transformation non proportionnelle à la valeur des droits acquis par elle lors de l'achat, sont, pour la Cour, dépourvues de toute justification raisonnable, de sorte qu'il faut constater que les parties n'ont pas admis toutes les conséquences civiles de leurs actes et que l'administration a pu valablement rejeter la moins-value et imposer au contraire la société sur une plus-value. (Liège, 11.09.1998) (F.J.F., n° 2000/124) (Le Courrier Fiscal, 1998/511) (Fisconet L 98/32)

Commentaire :
La répartition « non équitable » des frais de transformation avait été relevée par le commissaire - réviseur pour lequel cette « clef désavantageait manifestement sans aucun motif admissible la société immobilière, dont le patrimoine s’appauvrissait au seul profit de son administrateur ».

Trib. Louvain, 14.02.2003
L’Administration avait repris un montant de +/- 4.900 € en DNA au titre d’avantage anormal ou bénévole représentant le coût de la fourniture et du placement d’une chaudière, des travaux de réparation, d’entretien et de peinture. Le Tribunal rappelle que les grosses réparations demeurent à la charge du nu-propriétaire. Les coûts des travaux de peinture des murs, plafonds, portes et fenêtres, la pose d’un tapis, l’entretien ne peuvent être considérés comme des grosses réparations demeurant à charge du nu-propriétaire. Ces coûts ont été à bon droit rejetés par l’Administration. La pose d’un chauffage central peut être considérée comme un travail qui concerne la solidité et la conservation de tout le bâtiment et constitue effectivement une préservation même de la propriété. Les travaux au toit plat (roofing) et la pose de 15 tuiles ne peuvent par contre être considérés comme des grosses réparations à charge du nu-propriétaire. (Trib. Louvain, 14.02.2003) (F.J.F., n° 2003/251) (Fisconet, LE1 03/3)

Requalification d’un usufruit en location
Trib. Bruges 22.06.2004 : jugement réformé !
Deux conjoints, tous deux administrateur et actionnaire d’une SA, acquièrent la nue-propriété d’un appartement. Elle est estimée à 20 % de la valeur vénale de l’ensemble. Leur société en acquiert l’usufruit pour une période de 10 ans. L’usufruit est estimé à 80 % de la valeur vénale de l’ensemble. Il est convenu que l’usufruitier peut apporter des améliorations à l’immeuble qui, à la fin du contrat d’usufruit, reviendra aux nus-propriétaires sans qu’ils doivent payer l’indemnité à l’usufruitier. L’usufruitier supportera notamment les réparations, petites et grosses. L’Administration fit valoir que la vente de la nue-propriété aux administrateurs et celle de l’usufruit à la société pouvaient être requalifiée en vente de la pleine propriété aux administrateurs, suivie d’une location pour 10 ans à la société. Selon elle, le montant payé par la société peut être considéré comme un loyer payé anticipativement aux administrateurs. Ce loyer est dès lors imposable en partie au titre de revenu immobilier et en partie au titre de revenu professionnel (dans la mesure où le loyer excède 5/3 du revenu cadastral revalorisé ; art. 32 al. 2, 3° CIR). Selon l’Administration, la motivation de l’opération est purement fiscale, en l’occurrence 1’acquisition, par les administrateurs, de la pleine propriété du bien après 10 ans, sans avoir payé le prix d’achat entier.

Dans sa décision, le directeur régional confirma la taxation, mais il admit que l’impôt afférent au loyer payé anticipativement devait être étalé sur dix ans.

Le Tribunal refuse de poser deux questions préjudicielles à la Cour d’arbitrage quant à la constitutionnalité de l’article 344, § 1er CIR. Il est évident, selon lui, que la disposition générale anti-abus ne viole pas les principes d’égalité et de légalité. Le Tribunal réfute ensuite un par un les arguments des contribuables. Ceux-ci avaient plaidé que l’article 344, § 1er CIR ne peut pas s’appliquer dans la mesure où l’opération concerne la gestion d’un patrimoine privé. Si la disposition anti-abus de droit ne s’applique effectivement pas aux situations qui relève de la gestion du patrimoine privé, le Tribunal estime que la façon dont les contribuables ont mis leurs biens immeubles à la disposition de la société n’est pas neutre pour la détermination de leur revenu professionnel, en raison de l’art. 32, al. 2, 3° CIR.

Les contribuables avaient allégué que les actes juridiques posés ne sont pas susceptibles de requalification. L’usufruit est, en effet, un droit réel, alors que le bail est un droit personnel.

Le Tribunal répond que la détermination d’une qualification juridique est le résultat d’un raisonnement logique qui associe les faits objectifs à un cadre juridique connu. Sur base des faits, le Tribunal estime que le couple a acquis le droit de disposer (de la pleine propriété) et que la société a acquis le droit de jouissance. Bien qu’il existe des différences notables entre les formes juridiques de l’usufruit et du bail, elles peuvent être négligées en l’occurrence, vu la courte durée de l’usufruit et « l’élasticité » du droit de propriété. Les autres différences peuvent aussi être négligées puisqu’elles sont soumises à la liberté des conventions. La disposition anti-abus visant précisément à modifier la qualification donnée par les parties, ce serait une erreur de retenir des différences que les parties peuvent régler librement.

Enfin, les contribuables firent valoir, en vain, que la qualification choisie répondait à des besoins légitimes de caractère financier ou économique, à savoir, notamment, la possibilité pour les administrateurs de minimiser leur risque économique personnel et de devenir pleins propriétaires après 10 ans, tout en limitant le montant investi, de même que leur part dans les frais d’entretien. (Trib. Bruges, 22.06.2004) (Le Fiscologue, 948, 10.09.2004, p. 4)

Commentaires :
Voyez ci-dessous, la décision d’appel réformant le jugement.

Si le juge a reconnu les différences juridiques existant entre une convention de location et une convention d’usufruit, il a cependant estimé, essentiellement en raison de la brève période du droit d’usufruit, que les contribuables avaient choisi cette qualification (de l’usufruit) pour de seuls motifs fiscaux : éviter la requalification en revenus professionnels d’une partie des loyers (exagérés).

Gand, 13.09.2005
La Cour d’appel de Gand suit la doctrine et réforme le jugement.

Sur le principe, la Cour d’appel reconnaît que le mécanisme mis en place est bien visé par l’art. 344, § 1er CIR. Les trois conditions d’application sont réunies : le mécanisme mis en place vise à éviter l’impôt, l’opération va au-delà de gestion simple de patrimoine privé (l’opération s’inscrit dans un contexte économique, ce qui permet, l’application de la disposition anti-abus) et enfin, la Cour ne voit pas de besoins légitimes de caractère économique ou financier qui pourraient justifier la qualification donnée.

La Cour estime néanmoins qu’une condition de base n’est pas remplie : l’acte (d’usufruit) ne peut être requalifié en location de sorte que la disposition anti-abus ne peut pas trouver à s’appliquer.

5elon la Cour, une requalification suppose que l’acte accompli par les parties puisse avoir des qualifications différentes. En cas de requalification, il ya lieu de respecter la réalité juridique que le contribuable a établie. Seule la qualification juridique de l’acre peut être modifiée et non le contenu et les conséquences de l’acte réalisé par le contribuable. Toutes les conséquences de fait et juridiques de l’opération réalisée doivent être respectées. En l’occurrence, une location, qualification donnée par l’Administration, n’a pas le même contenu qu’un usufruit, qualification choisie par les parties. Le remplacement de l’une par l’autre ne peut se faire sans que l’on touche aux conséquences juridiques. Le rapport de propriété a été sensiblement modifié. La relation juridique entre le tiers vendeur et la société est également méconnue. En outre, l’usufruit et la location sont deux figures juridiques distinctes qui connaissent des droits et obligations différents.

La Cour ajoute que l’art. 344 § 1er CIR laisse intacts le principe du choix de la voie la moins imposée, le principe civil de la liberté contractuelle et le principe que l’impôt frappe la réalité juridique (et non pas la réalité économique). (Gand, 13.09.2005) (Le Fiscologue, 996, 30.09.2005, p. 1)

Commentaires :
Antérieurement, le Tribunal d’Anvers était déjà intervenu dans ce type d’opération.

Premier jugement :

Dans ce litige, le Tribunal n’a pas expressément pris position sur la possibilité de requalification de la cession d’un droit d’usufruit en une location de longue durée mais a décidé qu’aucune requalification n’était possible car l’opération répondait dans le chef des parties à des besoins légitimes de caractère financier ou économique. La justification admise (trop facilement ?) était qu’en cédant l’usufruit à sa société, le dirigeant d’entreprise a pu immédiatement disposer du produit de l’opération, tandis qu’une location ne lui aurait procuré que des revenus périodiques sur une longue période. (Trib. Anvers, 19.06.2002) (Le Courrier Fiscal, 2002/455) (F.J.F., n° 2002/260) (Fisconet, A1 02/14)

Deuxième jugement :

Dans ce deuxième jugement, critiqué par une partie de la doctrine, le Tribunal accepte la requalification, voyez : (Trib. Anvers, 6.01.2003) (F.J.F., n° 2003/255) (Fisconet, n° A1 03/1) : acquisition d’un usufruit temporaire de 27 ans par une société, acquisition de la nue-propriété par l’épouse et les enfants de l’administrateur de la société et location par la société d’une partie de l’immeuble à l’administrateur et son épouse. Le Tribunal a décide que la requalification fiscale (en location) ne néglige pas et ne méconnaît pas le contenu de la figure juridique de l’usufruit, puisqu’il n’est aucunement porté atteinte à l’existence et aux effets de l’usufruit par sa seule requalification fiscale.

Troisième prise de position du Tribunal d’Anvers :

Un contribuable est dirigeant d’entreprise d’une SPRL à laquelle il donne un bâtiment en location. Les parties conviennent de résilier anticipativement le bail au 1.07.1993. Le même acte dispose qu’à partir de cette date, l’usufruit sur le bâtiment est « vendu » pour trois ans à la SPRL contre le paiement d’un canon qui sera versé en une seule fois. En 1996, l’usufruit est prolongé, de nouveau contre le paiement d’un canon à verser en une seule fois. Selon le Tribunal, l’Administration a pu en conclure à bon droit que ce mécanisme a été imaginé par le dirigeant d’entreprise dans le but de contourner la règle de requalification des loyers. C’est également à juste titre que, se fondant sur la disposition générale anti-abus (article 344 § 1 CIR), l’Administration « a continué à considérer l’usufruit comme étant une location sur le plan fiscal » et a, de cette manière, « maintenu la requalification des loyers en rémunérations de dirigeant d’entreprise ».

Il ne saurait être question, selon le Tribunal, de besoins légitimes de caractère financier ou économique susceptibles de justifier le recours au mécanisme de l’usufruit. Certes, le contribuable invoque « l’obtention immédiate de la totalité du canon de l’usufruit », Toutefois, selon le Tribunal, cette simple affirmation ne aurait apporté la preuve « du prétendu besoin ».

Le contribuable avait également fait valoir que la SPRL avait « besoin de donner l’immeuble en location » à une autre société. Mais selon le Tribunal, ce « besoin » n’existe pas, « de par sa nature, dans le chef » du contribuable, de sorte que cet argument ne saurait lui être utile au sens le l’article 344 § 1 CIR. (Trib. Anvers, 15.06.2005) (Le Fiscologue, 997, 7.10.2005, p. 9)

Si ces affaires ont fait l’objet d’un recours en appel, les décisions des Cours d’appel seront de première importance.

Conclusion
Même si cette première décision en degré d’appel confirme que l’application, avec succès, de la disposition anti-abus relève de la gageure dans une conception du droit fiscal uniquement assise sur des réalités juridiques, les praticiens doivent se montrer prudents dans l’utilisation des acquisitions avec démembrement de la propriété. Si le contribuable a le choix de la voie la moins imposée, il faut prendre en compte, outre la possible utilisation de la requalification par l’Administration, une possible future intervention législative (« A trop tirer sur la corde, elle finit par se casser »).

Il est donc prudent que les opérations soient faites parce qu’elles ont un intérêt économique ou financier réel pour les parties et non pas parce qu’elles auraient pour seule justification un intérêt fiscal. Il faut ensuite que les obligations et droits des parties soient équilibrés et que la fixation conventionnelle de la valeur des droits corresponde à des valeurs de marché entre parties non liées.

, 30.06.2005, révision 10/11/2005

http://users.skynet.be/yves.dewael/isoc/nue_prop.htm


:bj: Indépendant since 1987. Toujours pas achevé par les Taxes. Créatif mais pas infaillible.

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